Interview de Laurent Bazart - Illustrateur de l’affiche des Journées nationales de l’architecture

Illustrateur, producteur de musique, animateur de podcast et formateur en créativité, Laurent Bazart est un artiste protéiforme aux multiples influences. Il a été sélectionné pour réaliser l’affiche de la 8e édition des Journées nationales de l’architecture et a accepté d’échanger sur son parcours, ses sources d’inspiration et sa réflexion.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis né à Nancy en 1976. J’ai suivi une filière Arts appliqués au lycée avant d’intégrer l’École Nationale Supérieure d'Art et de Design de Nancy (ENSAD) où j’ai obtenu un DNSEP en communication visuelle et illustration. J’exerce comme artiste professionnel indépendant depuis 2001 et suis actuellement représenté par l’agence Illustrissimo. Je me définis comme un créateur aux multiples facettes qui aime naviguer entre les modes de représentation et les activités professionnelles. Je suis à la fois Pixel Artist, formateur en créativité sur la thématique du chaos et co-présentateur du podcast Sens Créatif, aux côtés de l’illustrateur Jérémie Claeys. Je suis également beatmaker[1] et designer sonore. J’ai notamment réalisé la musique du spot publicitaire de l’édition 2023 des Journées nationales de l’architecture.  

 

Le pixel occupe une place centrale dans votre travail. Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers le Pixel Art ?  

Mon père étant féru d’informatique, nous avons eu un Amiga très tôt pour l’époque. Cet ordinateur connu pour son affichage coloré et animé était très populaire auprès des amateurs de jeux vidéo et des créateurs de la Scène démo des années 1990 qui concevaient des chefs d'œuvre artistiques mêlant le graphisme, la musique, le code et la programmation. Cet univers m’a profondément marqué et je suis rapidement arrivé à la conclusion que ma singularité passerait par la réexploration du pixel de mon adolescence. Malgré sa forme carrée, le pixel est une brique très polyvalente aux possibilités infinies. En l’assemblant à d’autres pixels, il permet de créer des œuvres imparfaites mais fidèles à la nature des choses et invitant le spectateur à s’approprier l’image. 

 

Vos influences proviennent également de domaines aussi variés que la musique électronique ou le cinéma. Quelles sont vos sources d’inspiration ? 

Je considère les idées de chaos et de perturbations comme des moteurs de créativité. Je suis très influencé par l’artiste, musicien et compositeur de musique électronique Danny Wolfers, connu sous le pseudonyme Legowelt. Il est parvenu à créer un univers singulier à la fois fantasmagorique et très ancré dans la réalité. Il est l’un des maîtres actuels de la culture électro underground et n’hésite pas à puiser ses références dans des champs aussi divers que la Pop Culture, la cryptozoologie, le Rétrogaming ou certains styles musicaux des années 1980 comme la techno de Détroit ou la Chicago House. J’aime son absence de limites créatives et son identité artistique protéiforme entre musique, réalisation, animation et dessin. Par ailleurs, le cinéma du réalisateur et scénariste Jacques Tati m’intéresse beaucoup. C’est un artiste complet et visionnaire qui n’a jamais hésité à s’attaquer à des choses a priori impossibles. 

 

Quel est votre rapport avec l’architecture ? 

J’ai étudié les mouvements architecturaux lors de mes études et suis fasciné par le courant brutaliste. Je ne me considère pas comme un expert de l’architecture, mais je suis très intéressé par ses dimensions esthétiques et humaines. J’ai plusieurs fois été amené à représenter des réalisations architecturales dans mon travail, des constructions du mouvement De Stijl au Pavillon d’or de Kyoto, en passant par la villa Arpel de Jacques Tati. Représenter l’architecture en Pixel Art est passionnant. Je conçois mes plans et imagine mes dessins comme un architecte, ce qui me pousse à réfléchir aux problématiques de structures, de fondations, d’élévations et à aller plus loin dans l’image. 

 

Comment avez-vous illustré le thème « Architectures et transition écologique » de la 8e édition des Journées nationales de l’architecture ?

Ma proposition est très influencée par les préceptes de la Prairie School, un mouvement architectural né aux États-Unis à la fin du XIXe siècle et défendant l’idée d’une symbiose entre les constructions et leur environnement naturel. Il a été popularisé par des architectes de renom, comme Frank Lloyd Wright et son emblématique Maison sur la cascade (1935-1939). Je souhaitais représenter une architecture durable, agréable, humaine et connectée avec la nature en privilégiant les matériaux bruts, comme le bois, en intégrant la nature sur le bâtiment, notamment à travers le toit végétalisé, mais aussi autour. J’ai surtout cherché à créer un vocabulaire afin qu’une poésie se mette en place entre les matériaux et les couleurs. L’un des plus gros travaux fut d’humaniser l’illustration en animant tous les personnages, image par image. Je profite de cette interview pour saluer l’auteur, illustrateur et graphiste Krocui avec lequel je travaille en binôme sur le projet depuis le début et qui a réalisé l’ensemble des déclinaisons graphiques de cette illustration. 

 

[1] Concepteur rythmique