Réemployer et recycler les matériaux et les bâtiments : gros plan sur l’architecture circulaire

À l’heure où les enjeux environnementaux invitent à la frugalité et à la modération, l’architecture circulaire, qui prône le réemploi des matériaux, s’impose comme une alternative écologique.
Vue du Centre Pompidou Metz. Architectes : Jean de Gastines, Shigeru Ban, Philip Gumuchdjian

La 9e édition des Journées nationales de l’architecture, placée sous le thème « Nouvelles vies des bâtiments et nouvelles pratiques de l’architecture », met à l’honneur les solutions et le rôle de l’architecte pour relever le défi de la neutralité carbone et de la préservation des ressources naturelles.

 

Pourquoi réhabiliter plutôt que construire ?

La construction de logements neufs produit et consomme plus de déchets et de ressources que la rénovation d’édifices existants. Selon l’Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’édification d’une maison individuelle nécessite 40 fois plus de matériaux qu’une rénovation, voire 80 fois plus pour un immeuble de logements collectifs. L’urbaniste Sylvain Grisot ajoute que la construction d’un bâtiment « produit 5 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’une réhabilitation ».

Contrairement au modèle traditionnel linéaire qui repose sur un enchaînement de production, d'utilisation et de déchets, l’architecture circulaire prône un cycle continu de réutilisation et de régénération. Elle repose notamment sur deux piliers : le réemploi et le recyclage. Cette approche ne se limite pas à une simple tendance esthétique, mais représente un changement profond dans la manière de concevoir, construire et rénover nos bâtiments. Limiter les démolitions et les besoins en constructions neuves à travers la valorisation, la mutation et la rénovation du parc immobilier existant constitue un levier indispensable pour limiter la production de déchets, pallier la raréfaction des ressources naturelles et atteindre la neutralité carbone.

 

Architecture circulaire : cap sur le réemploi des matériaux

Le réemploi des matériaux de construction regroupe une série de pratiques visant à « réutiliser des matériaux ou éléments de construction issus de déconstructions pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus »[1]. Pratique traditionnelle progressivement tombée en désuétude, le réemploi fait un retour en force, à l’heure où l’économie circulaire est encouragée.

Preuve de l’intérêt qu’il suscite, un nombre croissant d'appels d'offres publics et privés de chantiers de réhabilitation, de démolition ou d'aménagement contiennent désormais des clauses relatives au réemploi des matériaux de construction. Outre ses vertus écologiques, cette pratique présente également un impact positif sur le coût final d’un projet en diminuant le volume de matériaux à acquérir.

 

Favoriser le recyclage des matériaux de construction

De son côté, le recyclage permet de réutiliser des matières premières contenues dans des déchets pour fabriquer un nouvel objet. Depuis 2008 et l’entrée en vigueur de la directive relative aux déchets, l’Union Européenne fixe un objectif de 70 % de recyclage des déchets de construction et de démolition.

Ces déchets disposent en effet d’un fort potentiel. Une fois traités et recyclés, ils peuvent être réintroduits dans le cycle de production pour devenir de nouveaux éléments de construction. Cette stratégie permet de réduire la consommation de matières premières et le volume de déchets produits.

Une grande variété de matériaux peuvent être recyclés, comme :
- L’acier contenu dans les barres d’armature pour le béton armé, les fils, les clous et certains éléments métalliques. Il peut être transformé à l’infini, sans perdre ses qualités.
- Le béton durci qui, une fois concassé, produit des granulats utilisés pour concevoir des éléments structurels ou du sous-plancher.
- Le bois qui peut servir à fabriquer des lattes de caisses et de palettes, des boiseries, des panneaux, ou produire de la biomasse pour les fours industriels.
- Le polystyrène expansé utilisé dans la fabrication de nouveaux produits en plastique ou dans certaines finitions et peintures.
- Le verre qui peut être brisé et mélangé à du béton pour concevoir des sols et des comptoirs en granit.

 

L’architecte en première ligne du recyclage des bâtiments et des matériaux

L’architecte du XXIe siècle dispose d’un rôle central pour promouvoir et appliquer ces pratiques et aider le secteur de la construction à mener sa transition écologique. Restructurer et réinventer un édifice en tenant compte des contraintes existantes, mettre en valeur et prolonger l’esprit d’un lieu, ou encore, l’adapter aux usages actuels mettent au défi l’agilité et l’inventivité de l'architecte, comme l’affirme Antoine Renaud, associé de l’agence d’architecture Morris & Renaud : « à l’opposé du standard ou du duplicable qui normalisent trop souvent les projets et les environnements, l’intervention sur un état préexistant constitue un potentiel de créativité qui n’a rien à envier à la conception de bâtiments neufs. ».

[1] Directive européenne n°2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets.