Après des études d’archéologie et d’histoire de l’art, Clémence Trossevin s’est tournée vers l’illustration. Inspirée par Paris et les paysages des Cévennes, elle aime capturer à la gouache ses déambulations, des bords de rivières et recoins ombragés aux herbes folles qui s’invitent en ville. Un univers au cœur de l’affiche de cette nouvelle édition des Journées nationales de l’architecture, qui se déroulent du 16 au 19 octobre.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai grandi dans les Cévennes et, depuis l’enfance, j’aime peindre et dessiner. Après le baccalauréat, j’ai rejoint Paris pour étudier l’archéologie, l’histoire de l’art et la muséologie à l’École du Louvre pendant cinq ans. Ces études assez théoriques m’ont fait un peu regretter la pratique artistique. J’ai ensuite fait un stage à la SLOW Galerie, où j’ai travaillé pendant sept ans dans la médiation culturelle et la mise en valeur d’artistes.
Les rencontres avec des créateurs et le soutien de la galeriste m’ont donné envie de revenir à la peinture et au dessin. Dès 2017, je commence à exposer mes œuvres et à proposer des éditions limitées pour la galerie, avant de présenter deux expositions personnelles, Ici l’ombre est bleue (2020) et Les passages (2023). Je travaille désormais comme illustratrice indépendante à temps plein entre Paris et mon atelier dans les Cévennes.
Comment définiriez-vous votre processus créatif et votre univers ?
Je peins principalement à la gouache, un médium que j’affectionne particulièrement. J’aime passer beaucoup de temps à rechercher des couleurs, à les tester dans des assiettes. Ce rapport concret à la matière et au geste m’est précieux. Avec la gouache, il faut réfléchir en amont. On ne peut pas superposer les couches comme avec l’acrylique, sinon les couleurs finissent par se ternir.
Quant à mon univers, il se construit autour de palettes restreintes qui contribuent à créer des atmosphères douces et contemplatives. Je peins beaucoup d’architectures et de scènes de vie qui varient selon l’endroit où je me trouve. À Paris, je suis attirée par les façades d’immeubles du XIXᵉ siècle, tandis que dans le sud, ce sont les architectures qui disparaissent qui m’inspirent le plus, telles que les maisons abandonnées peu à peu envahies par la végétation.
Quelles sont vos influences et vos sources d’inspiration ?
La bande dessinée a été mon premier choc visuel, en particulier la ligne claire d’Hergé dans Tintin. J’admire cette élégance et la façon dont une palette restreinte peut suggérer des atmosphères très différentes. Pendant mes études, j’ai découvert d’autres influences, comme les nabis et les impressionnistes qui se sont inspirés des estampes japonaises pour l’usage des aplats de couleur et les compositions épurées. J’aime aussi le shin-hanga, un mouvement japonais du début du XXᵉ siècle qui a réinterprété l’estampe en y ajoutant des jeux de lumière inspirés de l’Impressionnisme.
La gravure m’intéresse aussi beaucoup, notamment son processus créatif du croquis à l’impression qui impose une forme d’épure que je recherche dans mon travail. Parmi mes artistes préférés, je citerais Paul Jacoulet pour la finesse de ses portraits et Hiroshi Yoshida pour sa maîtrise de la couleur et la clarté de ses paysages.
Quel est votre rapport à l’architecture ?
J’ai découvert l’architecture pendant mes études. Les cours étaient alors davantage centrés sur le patrimoine historique, en particulier les différentes époques et courants présents à Paris. C’est une discipline que je trouve à la fois riche et technique. Dans mon travail, l’architecture est souvent un élément structurant du paysage. Le Paris des XIXᵉ et début du XXᵉ siècle occupe une place importante. J’aime les passages couverts, les façades haussmanniennes, mais aussi les structures métalliques ou en briques, et plus généralement, l’ornementation. Je suis également sensible au dialogue entre le patrimoine et l’architecture contemporaine. Lors de mes promenades, j’essaie toujours de prendre un carnet de croquis et un appareil photo pour immortaliser des détails, des motifs ou des textures et nourrir mes compositions.
Comment avez-vous illustré le thème « Architectures du quotidien » de la 10ᵉ édition des Journées nationales de l’architecture ?
J’ai voulu montrer un continuum entre patrimoine et architecture contemporaine. L’architecture du XIXᵉ siècle apparaît à travers des halles couvertes inspirées des anciennes halles Baltard à Paris ou de structures similaires également présentes dans de petites villes ou villages. Je souhaitais refléter cette diversité du territoire français. Aujourd’hui, ces halles peuvent accueillir des marchés ou des événements culturels. Elles représentent donc la multiplicité des usages, illustrée sur l’affiche par des travailleurs, des promeneurs et des musiciens.
À l’arrière-plan, j’ai introduit un bâtiment contemporain. Il est un clin d’œil aux structures pyramidales conçues par l’architecte Jean Balladur à La Grande-Motte dans les années 1960-1970. Enfant, elles m’ont fascinée par leur caractère graphique et ludique. J’en ai repris le rythme géométrique et ajouté une teinte orangée pour dynamiser l’ensemble, tout en réinterprétant les grandes terrasses ouvertes qui font la particularité de ces édifices. Ici, elles deviennent tantôt ombragées, tantôt végétalisées. Enfin, j’ai intégré de la nature grimpante sur les façades, un motif récurrent dans mon travail, pour suggérer de manière poétique, l’idée d’une ville de demain plus écologique et agréable à vivre, où l’habitat est ouvert sur l’extérieur et en lien avec la nature.
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